Singer 9 Le Mans Special Speed BLW 650

MarqueSinger
Modèle9 Le Mans Special Speed roadster
Année1936 immatriculation d'origine BLW 650
CouleurIvory
IntérieurCuir vert
Moteur Quatre cylindres en ligne 972 cc
DistributionUn arbre à cames en tête
AlimentationDeux carburateurs SU
TransmissionBoite mécanique 4 vitesses
Puissance48cv
Poids600 kg
Prix50 000€
Autres infos La Singer est la grande affaire de Jacques Savoye. Il fût l'importateur de la marque en France de 1934 à la disparition de celle-ci d'abord absorbée dans le groupe Roots puis lui-même par Chrysler UK qui fût repris par Peugeot.

Singer de Coventry a été dans les années 30 le troisième constructeur Anglais. Il se distinguait par une fabrication très soignée et une sophistication mécanique évidente avec des moteurs à arbre à cames en tête sur des voitures populaires, solution habituellement réservée à l'élite. La Singer nine ou 9 était l'une des petites voitures de sport les plus en vue du pays en situation favorable face à une MG TA plus conventionnelle. Jacques Savoye décida dès le début de sa représentation de la marque d'inscrire une auto aux 24h du Mans et dans des rallyes autour de Paris afin d'y démontrer leur robustesse et de les faire connaitre en France. Il eut un succès certain quand en 1938 dans une épreuve particulièrement difficile et marquée par une hécatombe d'abandons, il termina avec sa Singer 8ème au classement général, 1er dans sa catégorie de moins de 1000cc et aussi premier dans la catégorie jusqu'à 1100cc.

Le modèle que j'ai est en tout point mécanique identique à celui que Jacques Savoye avait en 1938, qu'il avait ensuite vendue puis récupérée au cours de sa vie. Je me souviens qu'en 1980 ou 81 lors d'un week-end passé dans sa propriété de la Croisille, Jacques m'avait demandé si j'avais un intêret pour cette petite auto qu'il gardait dans le moulin . Stupidement je ne montrais pas grand intêret car à l'époque j'étais, comme tous les débutants, à courir après les grosses autos. Devant ma dénégation Jacques l'avait finalement cédée au président du Singer Owners Club anglais qui la voulait avec insistance.

Quand vingt-cinq and plus tard, ayant enfin découvert le charme des avant-guerre et des petites autos brillantes, je décidais de racheter sa voiture qui passait aux enchères en Angleterre, ce sont les moyens qui me firent défaut et je dû laisser à regret laisser partir l'auto à plus de 160 000£. Cette auto connue comme la Savoye Special avait un arrière différent car c'était originellement un tourer 4 places à chassis long qui ayant subi un accident à l'arrière, avait été coupée et remontée avec cette caisse en pente douce, peut-être un peu plus aerodynamique. Je continuais mes recherches jusqu'à ce qu'un beau jour un marchand anglais m'appelle en me disant catégoriquement, "je n'ai aucun interet pour cette petite auto que je viens de reprendre sur une plus importante mais si vous cherchez vraiment ce modèle, sachez que vous n'en trouverez pas un meilleur, elle a été restaurée jusqu'au dernier boulon".

L'offre qu'il me fit était très correcte et j'achetais immédiatement l'auto sans même avoir vu une photo. Quelques semaines plus tard j'eu le plaisir de voir BLW 650 débarquer du camion , effectivement elle avait été entièrement restaurée à l'anglaise, en gardant un peu de patine et un maximum de pièces d'origine, par opposition à une restauration à l'allemande où tout ce qui peut être remplacé est remplacé. J'ai eu grand plaisir à découvrir la caisse de documents d'origine qui l'accompagnait et attestait de son passé et d'apprendre à la rouler... c'est ainsi que nous nous retrouvâmes deux ans plus tard sur la route du Mans Classic où j'amenais l'auto par la route comme Jacques l'avait fait en 1938 quand ses mécaniciens venaient au Mans avec un billet de troisième classe et surtout leur caisse à outils !

Je me rappelle ce jour là il faisait beau et sur la route, je n'avais pas pris l'autoroute bien évidemment, je poussais parfois l'auto jusqu'à 4500tours ce qu'elle semblait apprécier. J'aurais bien aimé aller au delà mais je ne voulais pas la casser. Le Mans Classic est une épreuve formidable en ce sens que le public peut librement avoir accès aux paddocks et échanger avec les concurents aussi n'étais je pas surpris lorqu'un monsieur d'un certain âge, visiblement anglais, arborant une belle casquette de tweed est venu se poster devant l'auto impassible, sans dire un mot... au bout d'un certain temps c'est moi qui lancait la conversation je lui demandais s'il connaissait cette auto, en pensant ce modèle, cette marque... il me répondit d'un "OH YES " sans équivoque, qui me mit sur la piste... j'avais devant moi l'ancien propriétaire de l'auto, celui qui l'avait gardé toute sa vie et patiemment restaurée ! une de mes premières questions fût "quel est le régime que je peux prendre avec elle en toute sécurité" ? sa réponse immédiate "5400" je le fis répéter tellement ce chiffre me paraissait énorme " YES 5400 rpm" ? Lors des essais qui suivirent je ne manquais pas d'appliquer ses consignes et je découvris alors une tout autre voiture.

J'eus d'ailleurs cette année là, en 2006, le meilleur souvenir de bataille sur la piste du Mans, moi sur ma Singer contre, excusez du peu, Jean-Pierre Jaussaud le vainqueur des 24H en 1978 sur Renault Turbo qui courrrait cette fois sur une Simca 8 Gordini berline fort bien préparée. La Simca Gordini était plus rapide que la Singer en ligne doite mais j'arrivais à refaire mon retard dans chaque virage et revenais derrière lui pour me faire aspirer, en montant ainsi à près de 6000tours, je parvins à prendre le rythme et je le doublais cinq fois mais lui six fois car j'étais en tête à l'entrée de la ligne droite des stands et il me repassa dans le faux-plat peu avant le drapeau à damiers. J'avais commis une grossière erreur : quand on est sur la voiture la moins puissante mais la plus agile il faut savoir rester derrière à l'aspiration de la plus puissante pour au dernier moment profiter de l'élan que donne cette aspiration et avoir ainsi une petite chance de l'emporter... ce que Jean-Pierre Jaussaud en véritable champion n'ignorait pas... s'en suivit une franche rigolade dans les stands... Ce fût malheureusement le dernier Mans Classic de Jean-Pierre Jaussaud qui devait nous quitter peu après.

Depuis la Singer a fait souvent le Mans Classic je partageais avec des amis et elle a permis à Thierry L., aujourd'hui un grand pilote de Bugatti, de débuter dans cette epreuve. En 2022 le moteur n'ayant jamais été ouvert j'ai sagement décidé de ne pas aller jusqu'au terme de l'épreuve afin de ne pas risquer de la casser pour consacrer l'hiver dernier à sa réfection complète ... en même temps nous avons refait toutes les suspensions en les assouplissant et cette année plus de problème de levé de patte... au programme pour 2025 quelques améliorations et une nouvelle peinture... bleue !